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Publications scientifiques « L’accès libre est un mouvement irréversible »

L’édition scientifique traditionnelle réserve l’accès des travaux publiés à ceux qui paient un abonnement. Le mouvement de l’« open access » a contribué à bouleverser ce modèle. Avec l’apparition, dans les années 2000, des revues « gold » : l’auteur correspondant paie des frais de publication et l’article est accessible à tous. Quels en sont les enjeux ? Réponses avec Nathalie Duchange et Michel Pohl du service de l’information scientifique et technique de l’Inserm.

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Qu’appelle-t-on le modèle « Gold open access » et en quoi se distingue-t-il des formes précédentes de publication scientifique ?

Nathalie Duchange : Dans les revues open access, l’auteur correspondant paie pour la publication d’un article lorsque celui-ci est accepté, article qui est ensuite en libre accès immédiat et gratuit pour les lecteurs. C’est le modèle de l’auteur-payeur et les frais de publication appliqués sont communément appelés « Article Processing Charges ». Les auteurs conservent leurs droits, en général selon une licence de type Creative Commons. Dans le modèle traditionnel d’édition scientifique, l’auteur ne paie pas, mais les articles ne sont accessibles que sur abonnement, qui ont un coût élevé pour les institutions de recherche et les gouvernements, a fortiori pour de simples citoyens ou des associations. Outre ce prix des abonnements, l’édition classique a parfois un coût, par exemple si l’équipe veut mettre des planches couleurs ou excéder la longueur prévue de l’article. Il est reproché à ce modèle de n’être plus adapté aux besoins actuels de la recherche publique, qui doit être largement disponible. De plus, l’édition classique s’accompagne de la cession des droits des auteurs de la publication aux éditeurs, ce qui constitue une entrave à la réutilisation des résultats de la recherche, en particulier dans les technologies de fouille de textes et de données.

Michel Pohl : Le fait que le chercheur paie pour être publié a dès le départ soulevé des réticences, avec la crainte que la recherche soit de moindre qualité, un peu comme un roman publié à compte d’auteur. Mais, hormis l’épiphénomène des revues prédatrices qui ne respectent pas les standards de la qualité et de l’intégrité scientifiques et qui sont bien identifiées de nos jours, les revues en accès libre ont en réalité un système de relecture des manuscrits par les pairs tout à fait classique. Et les meilleures revues open access (e‑Life, Nature Communication, PLOS Medicine) sont désormais aussi courues que certaines excellentes revues « classiques ».

Quand s’est développé l’open access ?

N.D. : Le mouvement s’est développé dans les années 1990. Certaines communautés scientifiques, en physique ou en mathématique, ont commencé à déposer leurs manuscrits non publiés en accès libre sur le site d’archivage de prépublications électroniques d’articles scientifiques, arXiv. Ce système n’a pas convaincu dans un premier temps la communauté des sciences biomédicales, très attachée au système de relecture par les pairs. Les archives ouvertes mettant à disposition, sous certaines conditions, les articles publiés se sont alors développées et, en parallèle, les revues en accès libre sont apparues. BioMed Central est la première maison d’édition de ce type de revues qui en a rapidement proposé une centaine. La Public Library of Science (PLOS) a été fondée en 2006 par trois chercheurs de renom, Pat Brown, Michael Eisen et Harold Varmus et a lancé des revues open access à forte visibilité comme PLOS Biology, PLOS Medicine, et par la suite PLOS One, mégarevue entièrement en ligne, couvrant un large champ disciplinaire et innovante quant au processus de relecture par les pairs.

Quelles sont les limites de l’édition traditionnelle qui ont conduit à l’émergence de ce modèle concurrent ?

M.P. : Elles sont de plusieurs ordres. Les publications scientifiques sont très nombreuses, et les éditeurs appliquent des hausses récurrentes des prix des abonnements. Les budgets consacrés aux abonnements pèsent de plus en plus lourd sur les institutions. Plusieurs pays (Allemagne, Suède, Suisse…) sont en négociation dure avec des grands éditeurs comme Elsevier, Springer Nature, Wiley et d’autres. Ce coût est perçu comme une injustice, car l’essentiel de la recherche publiée est d’origine académique, financée en partie ou totalement par l’argent public : il paraît normal que les fruits de cet investissement soient ouverts à tous. Pour les chercheurs, le délai de publication est aussi un problème devenant critique. Les revues dites d’excellence se montrent de plus en plus sélectives, pas uniquement sur la base essentielle de la rigueur de la démarche scientifique, mais également sur l’aspect un peu spectaculaire ou exceptionnel de la découverte, ce qui relève parfois de l’effet de mode. C’est le plus souvent une question de sujet jugé trop spécifique et, a priori, sans un intérêt suffisant pour toucher un large public. Ces refus arrivent fréquemment avant une vraie relecture, avant un examen de fond par les pairs, et sont le fait du comité éditorial. Le temps que des manuscrits soient envoyés, examinés, éventuellement refusés et renvoyés vers d’autres revues, il peut s’écouler 12 mois voire plus ! Ce délai est considérable pour un travail achevé et qui attend seulement d’être rendu public. Et sans oublier le problème de la cession des droits déjà évoquée.

N.D. : Pour les jeunes chercheurs qui ont grandi à l’âge de l’Internet et de l’accès en temps réel à l’information, l’open access apparaît comme une évidence. Cette génération partage spontanément sur les réseaux professionnels tels que Academia, Research Gate ou Linkedin. La publication dans des revues en accès libre permet et facilite ces échanges. Ces revues offrent aussi des mesures de l’impact des articles, sont plus transparentes sur les conditions de publication et la relecture par les pairs, publient pour certaines en flux continu, échappent à la limitation de la longueur du texte quand elles sont uniquement en ligne. Autant de libertés qui plaisent.

Combien coûte une publication en accès libre, et qui la paie ?

N.D. : C’est très variable, cela va de 1500 – 1800 € à 5000 €, voire plus. Plus une revue est sélective, plus elle fera payer cher pour couvrir les frais d’évaluation d’articles dont la plupart sont rejetés. Le budget provient de la dotation du laboratoire de l’auteur correspondant, parfois des bourses accordées au chercheur, ou très souvent des financeurs de projets, qui prévoient directement une ligne budgétaire dédiée à la publication scientifique.

M.P. : Des tarifs moindres ne sont pas synonymes de manque de qualité. Par exemple, certaines revues de haut niveau bénéficient de subventions. C’est le cas de eLife, revue fondée et soutenue par Wellcome trust au Royaume-Uni, la société Max Planck en Allemagne et le Howard Hughes Medical Institute aux Etats-Unis. Elle peut se permettre de facturer des coûts moindres aux auteurs.

Va-t-on vers un remplacement total de l’édition traditionnelle par l’accès libre ?

N.D. : Nous n’en sommes pas encore là. L’open access progresse dans différentes directions : des systèmes de publication alternatifs voient le jour, le nombre de publications dans des revues Gold open access augmente chaque année et le dépôt de prépublication est de plus en plus accepté. Cependant, il est estimé qu’environ 80 % des articles sont encore publiés dans des revues sous abonnement et les éditeurs proposent de plus en plus un modèle dit « hybride » : on reste dans le schéma de la revue sur abonnement payant, mais les auteurs peuvent choisir une option accès libre pour leur article. Beaucoup de négociations en cours avec les éditeurs dans plusieurs pays tournent autour de ce modèle, demandant à ce que leur production soit mise en accès libre sans augmentation du coût des abonnements. Ce type de négociation suscite cependant des réserves.

M.P. : Ce modèle hybride est un compromis, mais il ne peut être que transitoire. L’accès libre est un mouvement irréversible. Les outils numériques offrent des possibilités d’innovation dans le partage de l’information scientifique et le mouvement de la science ouverte est aussi profondément ancré dans l’éthique de la science et du libre accès aux connaissances.

Propos recueillis par Charles Muller

L’accès libre à l’Inserm

En étroite collaboration avec l’association Couperin, l’Inserm a participé à l’enquête nationale sur les dépenses en frais de publication (Articlen Processing Charges). De 2015 à 2017, le nombre de publications en accès libre (gold open access et hybride) payées par l’Inserm a augmenté de 22 %. Le pourcentage total des publications en accès libre se situe aujourd’hui aux environs de 30 %. Le coût total des APC s’élève à 1,38 M€ en 2017 ce qui représente 38 % du coût des abonnements, auquel il se rajoute. Sur les trois années, le nombre d’articles payés par l’Inserm dans le modèle « hybride » reste quant à lui faible et constant.

Contacts

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